Saison 2, épisode 20

Une jeune fille rousse dessinait dans sa chambre vaste et luxueuse… Avec excitation, elle mettait sur le papier une version guerrière d’elle-même qui luttait contre des dragons et autres créatures enchantées… C’est là qu’entra une femme acariâtre qui lui ôta sans tarder ses dessins des mains.
-Semnia, je t’ai déjà dit d’arrêter ces enfantillages ! Où arrives-tu à cacher tous ces crayons, d’ailleurs ? (Elle la gronda de plus belle.) Nous t’élevons pour faire partie du grand monde. Pas pour que tu te mettes ces rêves idiots d’aventure en tête.
-Mais, mère, je…
-Pas de mais ! Ce n’est pas une vie convenable. Qu’espères-tu y trouver ou y apporter ? Ce n’est pas comme si tu avais pu sauver Nova, Angèle ou Staël.
-… Quoi ?
La petite fille est stupéfaite de cette remarque, mais cette stupeur ne tarde pas à se transformer en frayeur lorsque l’apparition de sa mère grandit de plus en plus, que sa voix et son visage se déforment alors qu’elle poursuit sa "réprimande".
-Tu t’es prouvée être juste une incapable tout juste bonne à suivre. C’est cette femme-là qui m’a défiée pour prouver qu’elle pouvait s’en sortir toute seule ? Laisse-moi rire ! Si seulement tu m’avais écoutée et que tu avais suivi nos règles simples, tu aurais pu être une aristocrate potable, mais il a fallu que tu n’en fasses qu’à ta tête en suivant tes lubies, et tout ce que tu y as gagné, c’est de te faire stupidement berner et de laisser mourir tes soi-disant « vrais êtres chers ». TU ES UNE RATÉE SUR TOUS LES TABLEAUX !
Semnia se retrouve désormais apeurée face à une apparition énorme et difforme, alors que l’espace devient de plus en plus informe et lui renvoie un sentiment d’isolement… Elle se retrouve bloquée dans un coin de mur invisible alors que le monstre devant elle la fait se sentir minuscule. Sa "mère" se met alors à fracasser le sol au-dessous de ses pieds, ce qui la fait tomber sur un autre sol rocailleux entouré de lave.
-ÉTAIT-CE CE DONT TU RÊVAIS QUAND TU FAISAIS TES PETITS DESSINS ? DÉCEVOIR TOUS CEUX AUXQUELS TU TIENS ? OU BIEN T’IMAGINAIS-TU QUE CELA SE PASSERAIT COMME DANS LES CONTES DE FÉES NIAIS SUR LESQUELS TU PERDAIS TON TEMPS ? LA PIMPANTE GUERRIÈRE TERRASSANT UN DRAGON ET GAGNANT LE CŒUR DES FOULES ? S’IL N’Y A QUE ÇA POUR TE FAIRE PLAISIR…
À ces mots, la créature prend peu à peu la forme d’un dragon aux proportions gigantesques, à tel point qu’on ne pouvait distinguer son corps en entier… Toujours petite fille, Semnia arrive à peine à bouger avec l’armure qui surgit sur elle, et elle parvient à peine à soulever la grande épée en acier face à elle.
-VAS-Y, GRANDE HÉROÏNE… SAUVE TOUT LE MONDE !
Il crache des flammes telles qu’il serait impossible pour quiconque d’échapper au rayon de déflagration… Épouvantée, larmes aux yeux, le petite fille ne peut que se recroqueviller sur elle-même avant que le feu l’atteigne… Et à cet instant…

Semnia, adolescente, se réveillait en sursaut dans son lit. Une domestique entra.
-Tout va bien, Mademoiselle ?
-Oui, Sophie… Juste un cauchemar…
-Ouh, j’espère que ça ne va pas vous donner des cernes ! Vous devez être toute belle pour ce jour important.
-Oui, je sais… soupira-t-elle
Peu après, elle se changeait, aidée par la domestique, afin de mettre une grande robe blanche longue…
-Je n’arrive pas à la croire… Il y a une insurrection de monstres, des gens luttent pour survivre, et la première priorité de ma mère, c’est de me caser à seize ans.
-Il ne faut pas dire ça… dit Sophie, essayant naïvement de la calmer
-Quoi ? Parce que je pourrais être surprise et apprécier vivre avec l’homme qu’on me force à choisir ? rétorqua-t-il, cynique
-Non, parce que vous n’avez pas votre mot à dire !
Soudainement, des chaînes se génèrent à partir de la soie de la robe, s’entourant aux membres de Semnia qui se voit contrainte dans ses mouvements… Ces chaînes se déplacent seules par magie et la forcent à suivre un chemin tracé précis.
-… Qu’est-ce qui se passe ?!
-Vous êtes drôle, à parler de ce qui est juste ou pas devant moi, fille de riche !
-Sophie ! réagit-elle, interloquée, alors qu’elle tente de contrôler ses mouvements, en vain
-Vous avez une vie aisée, des serviteurs qui suivent vos besoins, et vous ne faites que geindre sans cesse qu’on contrôle votre vie, alors qu’énormément de malchanceux rêveraient d’avoir le dixième d’une vie comme la vôtre.
Tandis qu’elle déballe ce ressentiment, elles se dirigent, de force, vers la sortie du manoir, qui s’effondre pour laisser place à un sentier de pierre orné d’un tapis rouge. Le sentier est suspendu au-dessus d’un gigantesque vide et mène à une chapelle. Alors qu’elles le suivent, "Sophie" continue de déballer sa diatribe.
-Vos problèmes sont "tellement" importants ! « Je ne peux pas faire ce que je veux ! » Combien de gens ne peuvent pas choisir leur voie dans la vie ? Vous croyez que c’est un rêve de petite fille d’être domestique ? Qui est en droit de se plaindre dans une situation pareille ?
-Excuse-moi, je ne pensais pas…
-C’est ça ! Vous ne pensez pas vraiment aux autres, ou alors juste superficiellement. C’est pour ça que vous n’avez jamais remarqué que Nova avait des sentiments pour vous.
Affectée par cette dernière remarque, Semnia baisse la tête, sans rien trouver à dire.
-… Toute votre envie d’héroïsme est davantage une lubie qu’un véritable but noble. Vous voulez surtout vous sentir spéciale pour qu’on vous remarque comme vous l’entendez. Ça doit vous faire rager que l’équipe s’en soit sortie sans vous pendant aussi longtemps.
Elles finissent par arriver devant la chapelle, une lumière aveuglante en sort et éblouit Semnia.
-Tous mes vœux de bonheur ! achève "Sophie" en poussant l’adolescente à l’intérieur

…… Semnia apparaît dans ce qui semble être une salle de mariage normale ; ses chaînes ont disparu et devant l’autel, elle voit… Lek en costume et Rocann qui dirige la cérémonie. C’est là que Lorniell apparaît derrière elle pour lui tenir le bras et la diriger devant son "futur époux" alors que la musique retentit.
-… Pas trop nerveuse ? demande-t-il
-Je… Je ne sais pas quoi penser. répond-elle, déboussolée
En jetant un œil au public, parmi une grande masse de silhouettes noires, elle aperçoit Gaëlla et Nevis assis l’un à côté de l’autre, en train de se disputer, Diane qui se fait tirer les cheveux par Artemis de façon enfantine, Jarrès et Océane qui font des cris d’encouragement, Cécinos impassible qui tient Pan sur ses genoux, et enfin…
-… Reinox !?
-Vas-y, ma grande ! Évite de gâcher le mariage comme la dernière fois. raille celui qui devait être son beau-frère fût un temps
Décontenancée, elle n’a pas le temps de réfléchir à cette intervention car elle arrive devant Lek ; celui-ci lui tient les mains avec les siennes, qui sont normales et pas forgées dans un fer démonique… Apaisée par cette vision, elle se relâche et renvoie le sourire que lui donne son homme. C’est là que Rocann commence son discours.
-Mes amis, nous sommes réunis ici pour unir cette homme et cette femme par les liens sacrés du sacrifice des autres.
-… Pardon ?
Il énumère les "vœux" alors que la musique commence de plus en plus à sonner faux.
-Semnia, acceptes-tu de prendre ce monstre génocidaire comme époux, de le chérir en laissant derrière les cadavres de tous ceux qui méritaient bien plus de vivre que vous, dans la joie et l’ignorance de tout ce qui a été perdu, jusqu’à ce que la mort touche tous ceux que vous connaissez ?
-Je…
En se retournant vers la salle, elle voit alors les cadavres des témoins, en sang sur leurs chaises… Seul Reinox est indemne et continue de faire ses remarques légères comme si de rien n’était.
-Magnez-vous, je suis venu pour le buffet !
Semnia s’apprête à paniquer, mais Lek lui saisit les bras pour la calmer.
-Je suis là… Je suis là…
-…… Je suis prête à t’accepter tel que tu es.
-Ça me fait tellement plaisir de t’entendre dire ça...
Il se penche pour l’embrasser et elle suit le mouvement… Mais le baiser n’a duré que quelques secondes que "Lek" prend la forme de Xénakis.
-… Peu de gens m’aiment pour qui je suis vraiment.
Écœurée, elle éloigne son visage de l’homme avec dégoût.
-Qu’est-ce que tu as fait de Lek ?
-La même choses qu’aux autres…
-… Je l’ai tué sous ton nez.
Le discours est poursuivi par Rocann qui prend à son tour la forme de Xénakis. Tour à tour, chaque cadavre se relève et devient le semi-démon chauve, cumulant son propos avec un écho glaçant. D’abord, Cécinos et Nevis…
-… Je ne suis qu’une simple quête de vengeance pour toi…
-… Mais le responsable, n’est-ce pas toi, pour ne pas avoir su être là ?
Ensuite, Lorniell et Gaëlla…
-… Tu as beau dire que tu essaies de faire au mieux…
-… Mais les autres souffrent quand même par ton incompétence…
Puis, Diane et Artémis…
-… Dans chaque bonne intention, il y a toujours un vice pour suivre…
-… L’un ne va pas sans l’autre…
Jarrès, alors…
-… Tu penses pouvoir défaire la racine du mal…
Et enfin, Pan…
-… Mais c’est impossible, car tant qu’il y aura de la vie, il y aura du mal.
Les chaînes de sa robe se reforment, bien plus lourdes qu’avant… Elle essaie de se débattre pour en sortir, en vain, alors que la troupe de Xénakis s’approche lentement d’elle en riant… Vite dépassée et alourdie par ce qu’elle porte et l’atmosphère, elle met impuissante les genoux à terre, totalement démunie…
-… Ne cède pas.
Un écho léger l’atteint alors qu’elle s’apprêter à flancher ; en se tournant vers sa provenance, elle voit le cadavre d’Océane se relever, le regard déterminé.
-Ne cède pas ! répète-t-elle, plus nettement

Semnia, la robe salie par la boue, se retrouvait devant son père et sa mère, furieux. Cette dernière ne tarda pas à la gifler avant de lui hurler dessus.
-Comment as-tu pu me couvrir de honte à ce point ?! Fuir le jour de ton mariage ! Nous sommes la risée de la ville par ta faute !
-Ce n’est pas comme si ça changeait grand-chose… marmonna l’adolescente, exaspérée
Sa mère la gifla de plus belle.
-Tu crois pouvoir tout te permettre ? Je te rappelle que tout ce dont tu as pu profiter, c’est à moi que tu le dois !
-Peut-être que je ne veux rien de ce que tu as à me donner !
Dans un accès de colère, elle frappa violemment sa mère, qui tomba au sol.
-Semnia ! Comment oses-tu ?! gronda son père
Prenant quelques secondes pour mesurer la gravité de son acte, Semnia leur tourna alors violemment le dos pour quitter le manoir.
-SEMNIA ! (Au hurlement de sa mère, elle s’arrêta à mi-chemin) … Si tu passes cette porte, tu ne pourras plus jamais revenir.
-… Je sais.
Fermement, elle acheva le trajet et ouvrit la porte… qui donne soudainement sur un immense vide qui l’entraîne dans une chute sans fin. Elle entend alors en fort écho deux voix familières…
-Tu penses pouvoir échapper à tes soucis si facilement ? Avec tes impulsions irréfléchies, tu n’as rien accompli !
-Où penses-tu trouver une place avec ta mentalité de fille pourrie gâtée ? Quel dégât penses-tu faire face à NOUS ?
Les têtes géantes de Baki et Célée apparaissent. Leurs voix se font de plus en plus fortes et résonnent désagréablement dans la tête de la jeune femme.
-QUI as-tu réellement réussi à battre ?
-QUI as-tu pu sincèrement sauver ?
-Aucune de vos victoires, ce n’est à toi qu’on les doit.
-Tu n’es que la petite aide de camps qui se croit « chef » par procuration.
Durant cette énumération, des apparitions de fumée rapides lui rappellent les moments de réussites du groupe : chaque frère Blade battu par Staël, Nova puis Océane ; Lek convaincu par Nova ; Plorias et Molina vaincus par Gaëlla et Lorniell ; Tobor tué par Staël ; Uzel par Jarrès…
-Incapable de réussir quoi que ce soit sans l’aide des autres…
-Bonne à tout juste suivre le mouvement…
Elle finit par tomber sur un sol dur qui lui fait mal au dos… Un sol invisible qui se trouve dans un incommensurable néant… Baki et Célée se retrouvent face à elle, taille normale, l’un équipé de son énorme hache et l’autre d’une lance tout aussi imposante.
-Montre-nous ce que tu vaux, grand chef ! la raille Baki avant de balancer son arme vers sa direction
En panique, Semnia essaie naïvement de bloquer le coup avec ses bras, mais Angèle apparaît alors pour prendre le coup en position de bouclier.
-ANGÈLE !
Elle disparaît en cendres, sous le regard désemparé de la rousse…
-Une autre tentative ?
À son tour, Célée lui jette sa lance dessus à pleine vitesse. Prise de court, Semnia ne peut pas l’éviter, mais ce coup-ci, c’est Staël qui se positionne devant elle pour être embroché à sa place, et disparaître en cendres également.
-Non… commence-t-elle à pleurer
-Combien de boucliers humains te reste-t-il ?
Elle s’effondre au sol, la volonté presque détruite… Mais la main d’Océane lui relève le menton doucement.
-… Rien de tout ça n’est ta faute.

-C’EST TA FAUTE !
Semnia se retrouve maintenant dans une prairie, réprimandée par Gaëlla et Nevis comme si elle était une petite enfant.
-Tu as voulu qu’on t’accompagne pour t’amuser et maintenant on a perdu les autres.
-Je te préviens, si tu n’en fais encore qu’à ta tête, tu n’auras pas de dessert ce soir !
-Mais qu’est-ce qui vous prend ? Je…
-Pas de discussion ! C’est déjà un miracle que tu n’aies pas sali ta tenue.
Elle se rend compte alors qu’elle porte une chemise à cœur et une jupe rose.
-… Non, je ne suis plus comme…
-On sait tous que tu jouais l’enfant pour échapper aux complications. C’est beaucoup plus facile de gérer les problèmes quand on peut les ignorer, pas vrai ?
-Ce n’est pas ce que…
-Rassure-toi, on comprend : c’est normal de s’imaginer une vie d’enfant banale quand on a passé sa vraie vie à être une gamine insatisfaite.
-Jamais contente de ce qu’elle avait, toujours à rater ce qu’on lui proposait de faire… Ça a dû être si frustrant que lorsque tu as enfin réussi à être potable comme mercenaire, tu n’as pas visé plus par fatigue d’essayer encore et encore.
-Je ne pense pas… comme ça… rétorque-t-elle très faiblement en se recroquevillant lentement au sol
-Allez, viens faire l’enfant de la bande… On n’a plus les vrais, de toute façon.
Alors qu’ils s’éloignent d’elle en l’appelant de la main, elle reste atterrée et triste…
-Rappelle-toi… intervient alors à nouveau la voix d’Océane en écho
Tandis que l’environnement change légèrement autour d’elle et qu’une souche d’arbre se matérialise au-dessous de ses pieds, elle ne bouge pas de cet état de peine…
Semnia, vingt ans, sanglotait… Elle fixait l’horizon dans l’espoir d’y déceler un quelconque déclic, mais seule l’incertitude la frappait… Elle se remit alors à pleurer, mais c’est là qu’elle entendit un bruit à quelques mètres d’elle : un jeune homme : en train de se casser la figure au sol, et finissant par se retrouver quatre fers en l’air, les cheveux infestés d’herbes.
-Euh… Bonjour. sourit-il, gêné, dans sa position grotesque
Prise de court par la vision, Semnia ne put s’empêcher de pouffer.
-Hmpff ! Excusez-moi, est-ce que vous allez bien ?
-Pas de problème ! Mon corps est entraîné pour bien pire ! se relève-t-il, en essayant de se la jouer en dépit de cette première impression
-Pff ! Et vous me semblez bien équipé pour !
-Heu…
-Je parle de votre lance.
-Ha ! Oui, c’est… C’est un souvenir de famille.
-Si seulement je pouvais ne pas en avoir… marmonna-t-elle
-Excusez mon indiscrétion, mais… Je n’ai pas pu m’empêcher de voir que ça n’allait pas… Vous voulez en parler ?
-Ce n’est rien, c’est… Je me suis faite virer de mon emploi de nettoyeuse…
-Ouch !
-Et c’est la quinzième fois que ça m’arrive en quatre ans… Je veux être une guerrière qui sauve des vies, mais je n’ai pas fait de formation officielle, et je n’arrive pas à garder un boulot assez longtemps pour me payer un quelconque équipement… Pathétique, pas vrai ?
-En effet… C’en est ridicule.
-Pardon ?
-C’est une chance que tu sois jolie, sans ça je suis sûr que tu serais en train de crever la gueule ouverte dans le caniveau car personne ne voudrait de toi… C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle je m’intéresse à toi au départ… Un beau visage et presque rien pour-
-NON !!
Ce cri ferme de Semnia fige tout… En jetant un œil sur le "Nova" immobilisé, elle poursuit avec résolution.
-Ce n’est pas comme ça que ça s’est passé.
Le temps se rembobine et les événements se re-déroulent comme il y a neuf ans…
-Je ne sais pas… Vous savez, j’ai moi-même été serveur pendant un an, sans vraiment savoir quoi faire de ma vie ; et il a fallu qu’une femme me dise qu’on pouvait être mercenaire et aider les autres pour que l’idée me vienne en tête.
-Vraiment ?
-Je sais, plutôt ridicule, pas vrai ? Toute une année incapable de penser à une chose évidente sans qu’on me la définisse directement… J’ai été un peu long à la détente.
-Il ne faut pas dire ça…
-J’admire les gens qui savent ce qu’ils veulent faire très tôt. Je les envie même un peu, car l’indécision est peut-être un des maux les plus fourbes qui soient : s’empêcher d’aspirer à un bonheur sans jamais avoir l’impression que c’est grave… C’est un peu une torture, en soi.
-Je ne l’avais jamais vu comme ça… Maintenant que vous le dites, j’ai plutôt de la chance ! répondit-elle, légèrement
-Vous savez, ce que vous recherchez est très proche de ce que j’ai trouvé… Cela vous dirait qu’on en discute, heu… ?
-… Semnia.
-Bonjour, Semnia. Je m’appelle Nova.
Ils s’échangèrent un sourire et Semnia le suivit jusqu’au bar le plus proche… S’enchaînèrent anecdotes, rigolades et une alchimie de pensée qui les poussa chacun à proposer de travailler ensemble à la même phrase… Grâce à Nova, Semnia pu s’acheter un équipement et être sa coéquipière ; ce dernier n’en revenait pas du nombre de dagues qu’elle pouvait garder sur elle… Ils firent moult missions ensemble et chaque fois, Semnia était accomplie…
En regardant ce long pan de sa vie défiler sous ses yeux, Semnia se sent ragaillardie. C’est alors que la plaine s’obscurcit et une ombre de fumée noire imposante à la silhouette d’Orcus apparaît face à elle…
-… Tu ne me feras pas succomber à mes peurs et mes échecs.

Elle réapparaît face à Baki et Célée qui s’apprêtent à détruire ses compagnons encore vivants qui font bouclier devant elle… Elle trépigne en bondissant devant eux pour dévier les armes des démons avec ses dagues.
-Parce que je suis fière de ce que j’ai pu accomplir !
En faisant reculer les deux ennemis, des flashs de nombreuses vies qu’elle a défendues, des moments où elle a protégé ses compagnons, lui apparaissent…

Elle se retrouve ensuite à nouveau enchaînée face aux multiples Xénakis qui se moquent d’elle…
-Parce que je ne regrette pas mes choix !
Elle éclate ses chaînes et assomme à coup de poings et pieds bien sentis chaque semi-démon chauve qui lui fait face.

Enfin, elle reprend le corps de la petite fille face au dragon gigantesque.
-Parce que je suis… une héroïne !!
Son armure lourde se transforme en sa tenue de combat habituelle, elle se saisit fermement de l’épée qui prend un poids et une taille qui lui conviennent. Elle parvient ensuite à faire un très grand bond qui lui permet de sauter au-dessus de l’immense souffle enflammé… Elle atterrit sur son museau et le défie du regard, quand bien même chacun de ses yeux était plus gros qu’elle. Elle court pour l’attaquer, déterminée comme jamais, mais se fait lancer en l’air d’un geste vif de la tête de dragon. Il crache à nouveau du feu alors qu’elle tombe… mais elle se fait sauver des flammes par Ondine qui la protège de son eau et l’attrape. Surprise, elle voit alors le visage d’Océane se former pour l’encourager.
-… Défonce tout !
Elle l’envoie alors à pleine puissance en direction de l’œil de la créature gigantesque. Indéfectible, elle tend son épée pour le transpercer. Et c’est arrivée au point d’impact…

… qu’elle se réveille sur le champ de bataille, où l’atmosphère provoquée par Orcus devient de plus en plus pesante. Groggy par l’expérience qu’elle vient de subir, elle recommence doucement à distinguer ses compagnons à l’agonie psychique, mais surtout l’orbe de Célante briller, et deux gouttes qui flottent par-dessus juste devant son visage… Alors qu’elle reprend pleinement conscience, elle voit l’une des deux gouttes s’évaporer…
-… Merci. sourit-elle, larme à l’œil
Elle se relève avec difficulté, la puissance d’Orcus pesant toujours sur son corps… Elle commence alors à se rapprocher de lui, chaque pas étant une lutte acharnée… Pour ne rien arranger, en passant à côté de chaque compagnon, l’aura de leur torture psychologique l’atteint et lui fait voir leur vision cauchemardesque l’un après l’autre… Tout d’abord, Diane qui est étalée au sol à côté d’elle : Semnia se voit transportée dans l’île où elle a grandi, qui est en ruines… Elle y voit Diane en plein désespoir tenter d’échapper à sa jumelle qui fait trente mètres de haut et écrase tout sur son passage ; Elle aperçoit sous ses pieds des bouts de vêtements déchirés ensanglantés appartenant à presque tout le groupe, ceux d’Océane étant proéminents.
-… Résiste encore un peu. adresse-t-elle bas, autant à elle qu’à la blonde
Elle se sort de cette vision pour poursuivre sa marche ardue, mais quelques pas plus loin, c’est le cauchemar de Lorniell qui l’atteint : dans une ville en chaos, il n’est plus qu’une toute petite partie de son corps, attachée à celui d’une ombre noire au sourire rouge démoniaque qui a sa silhouette… Il tente en vain de contenir ce monstre qui représente 80 % de son corps, alors qu’il décime les gens à tour de bras dans son sillage… Semnia ne peut qu’avoir un regard compatissant avant de se concentrer pour sortir de cette illusion…
Elle continue de se rapprocher d’Orcus, à chaque centimètre de plus la pression semblant de plus en plus la frapper… Après un effort démesuré, elle parvient à atteindre le niveau où Lek, Gaëlla et Cécinos se tordent au sol, leur douleur paraissant encore plus intense que ceux qui se trouvent plus éloignés. C’est d’abord le cauchemar de ce dernier que Semnia entre malgré elle, où il n’y a qu’un long sentier de cadavres du héros Monor… Au bout de ce sentier se trouve Cécinos ensanglanté de la tête aux pieds qui tabasse à mort un autre de ses "pères".
-… Je sais que ce n’est pas toi !! Arrête de montrer ce visage ! s’exaspère-t-il, au bord de la folie
Semnia n’y accorde qu’un intérêt restreint et sort de ce cauchemar sans difficulté, pour tomber sitôt après dans celui de Gaëlla : la jeune épéiste recroquevillée sur elle-même était dans une galerie noire où des visages géants de Staël calcinés apparaissaient par centaines… Ils lui répétaient en écho assourdissant et morbide le même reproche :
-TU M’AS DIT QUE TU ME PROTÉGERAIS…
-Je suis désolée… s’effondre-t-elle, dévastée
Semnia a un regard compatissant en direction de Gaëlla… mais se ressaisit au bout de quelques secondes en se concentrant pour sortir de là ; elle avance de plus en plus difficilement, quand c’est au tour du griffu de lui faire "partager" son cauchemar : des villages entiers parqués, tous séparés par des murs de barreaux épais, semblables à ceux d’une prison. À la porte d’entrée de l’un d’eux, une voix résonne, celle de l’autoproclamé prince des ténèbres…
-AM… STRAM… GRAM… C’EST VOTRE TOUR !
La porte est défoncée par… un Lek entièrement métallisé. Son corps entier s’est fait forgé dans le même métal que ses griffes, à tel point que ses yeux sont la seule partie humaine restante chez lui. Ils suivent, impuissants, son corps contrôlé par des fils de Baki qui tranche et taillade chaque habitant dans son passage. Les gens crient de terreur alors que le sang gicle à flot et que le rire sardonique tonitruant du petit démon marionnettiste résonne… Semnia est coi devant le spectacle.
-Lek… Je ne me doutais pas que ton passé t’avait traumatisé à ce point…
Elle a pour réflexe de courir à son aide, mais se rappelle elle-même à l’ordre, et se force à dévier le regard pour arriver à sortir de cette vision… Les pas suivants commencent à la faire saigner des oreilles et elle lutte pour garder conscience, mais elle finit par arriver à huit mètres d’Orcus, toujours en transe, impassible…
-… Excuse-moi, c’est toi ou nous. lui adresse-t-elle, bas, surtout pour se convaincre elle-même
Dans un dernier effort, elle sort une de ses dagues et met toutes les forces qui lui restent pour lui envoyer en plein front. Le garçon meurt instantanément et son aura disparaît. Semnia pose un genou à terre, épuisée, échappant de justesse à l’inconscience.

Trente secondes plus tard, le groupe se réveille, tous ayant mal au crâne, certains même encore traumatisés des images qu’ils viennent de voir, comme Lek ou Gaëlla… Ils se tournent tous vers le socle que le globe du repaire ornait, et y voient Semnia, souriante.
-Vous allez tous bien… Je suis contente.
-Qu’est-ce qui s’est passé ? demande Nevis, la voix enrouée
-Ce pauvre gamin était une arme effroyable. C’était une question de temps pour pouvoir sauver tout le monde. Enfin… Presque.
Elle jette un coup d’œil au cadavre d’Ixion pas loin d’elle, les yeux totalement exorbités.
-… C’est Orcus. Ça faisait cinq ans qu’on ne l’avait plus vu. Tobor me disait qu’il était en mission spéciale… Ce n’était pas un total mensonge. intervient Diane
-Comment tu t’es sortie de là, Semnia ? s’interroge Gaëlla
-L’orbe de Célante a absorbé l’énergie démonique d’Orcus, comme avec Calliope. Comme j’étais à proximité, ça a dû atténuer son effet sur moi. Et de plus, quelqu’un a utilisé l’énergie transformée pour m’aider.
La dernière "goutte d’eau Océane" se manifeste juste à côté d’elle. Tout le monde est heureux de comprendre son implication, mais en même temps maussade de ne voir plus qu’une seule goutte…
-Même maintenant, c’est la meilleure… se dit Lorniell, bas, cachant son émotion
-Avec tout ça, pas étonnant que vous soyez sortie de ces cauchemars...commente Cécinos
-Oui… Je pense aussi que le fait d’avoir eu une vie moins torturée m’a permis de mieux supporter ça… sourit-elle, humble
Chacun se regarde, plus ou moins compatissant et compréhensif.
-… Et malgré tout, ça a été dur… Je n’ose même pas imaginer à quel point vous avez pu souffrir, vous… (Elle finit par se saisir du globe.) Mais il y a une démone qui a besoin de recevoir la monnaie de sa pièce !
Elle éclate l’orbe au sol. Alors, ils voient au loin le dôme bleu autour des ruines du château au centre du continent s’évaporer.

À l’intérieur de ces ruines, Célée observe sa protection disparaître, ainsi que Kupka et tous les semi-démons encore présents… L’air passablement contrariée, elle marmonne.
-… Est-ce que c’est ce que tu as ressenti vers la fin, mon frère ?